« À chaque personnage que je travaille je lui associe une musique »

Jeune actrice franco-marocaine, elle puise de ses deux cultures pour créer. En confinement, lorsque le secteur cinématographique s’est mis à l’arrêt, Marie Pregnant crée « All Batoul », un concept podcast pour mettre les talents marocains en avant.

e-taqafa : Comment est né le concept "Allo Batoul » ?

Marie Prégnant : Le concept est né d’une volonté d’aller à la rencontre des artistes marocain(e)s. On a des fois tendance à beaucoup se comparer aux pays occidentaux, en négligeant parfois toutes la richesse de notre pays. C’était donc aussi essayer de découvrir de nouveaux talents et de se rendre compte  de la richesse culturelle de notre pays. Également d’inviter la jeunesse marocaine à s'intéresser au monde culturel du Maroc. Malheureusement on est à une époque où l’information circule à une vitesse surprenante… On entend 10 000 informations par jour. Je voulais vraiment prendre le temps, à travers les podcasts d’aller dans une rencontre profonde avec les artistes, de tenter de comprendre pleinement chaque discipline et les inviter à se dévoiler en nous parlant de ce qui les animent …

e-taqafa : Vous êtes une actrice, comment concilier cinéma et podcast ?

Marie Prégnant : Pour le moment, j’ai un emploi du temps qui me permet de concilier les deux sans difficultés.

e-taqafa : Comment est née votre passion du cinéma ?

Marie Prégnant : Ma passion a  commencé en Cm2, lorsque notre professeur cinéphile a mis en place un ciné-club. C’était incroyable, j’y ai découvert Buster Keaton, Charlie Chaplin… On a ensuite eu la chance d'aller à Ouarzazate et de  découvrir les plateaux de cinéma, de" Astirix et Obelix", à "Kingdom of Heaven"… cela a été un moment marquant. Tous les secrets de plateaux révélés. J’ai eu envie d’en apprendre plus sur le monde mystérieux du cinéma.

e-taqafa : Qui sont vos modèles dans le cinéma ?

Marie Prégnant : Gad El Maleh a longtemps été un pilier, surtout quand j’étais jeune. Son sens du rebond, sa finesse, m’impressionnaient. J’ai appris par cœur, et joué un certains  de ses sketchs. J’ai vu aussi très jeune des films avec Milla Jovovich, c’était une femme tellement incroyable, surtout dans le 5 ème élément. Elle était sexy et dotée d’une forte personnalité, je rêvais d’être comme elle. Il y a aussi Judi Foster, Marina Foïs et Suzanne Clément pour qui j’ai une immense admiration.

e-taqafa : Comment préparez-vous un rôle ?

Marie Prégnant : En musique toujours. À chaque personnage que je travaille je lui associe une musique. Musique que j’écoute en boucle et en boucle en apprenant le texte. J’essaye  à travers la musique de trouver le souffle du personnage. Ensuite,  je cherche un costume pour créer son enveloppe extérieure. En parallèle, j’écris sur le personnage, sa vie, ses habitudes, ce qu’il/elle aime, son but dans la « vie », et dans la scène … Ensuite, en musique toujours, je tente de trouver sa démarche et sa manière de parler. En fait, la musique va être comme « l’âme » du personnage, elle rythme tout, c’est un peu comme un cœur qui bat.  

e-taqafa : Quel genre de comédienne êtes-vous ?

Marie Prégnant : Je suis issue d’un couple mixte, je rêverais de faire une carrière à la fois en  Europe et au Maroc. Je suis une comédienne investie, engagée. Tenter de faire bouger les choses, ou inviter les gens à une réflexion grâce à l’art. C’est un métier tellement merveilleux, on a, le temps d’un film ou d’un spectacle,  des individus qui sont là, assis, et qui nous écoutent… Un champ des possibles s’offre  alors à nous… Un spectacle c’est comme un jardin dans la tête des spectateurs, on plante des graines … qui germent ou non ! Mais on les plantes et c’est ça la beauté de ce métier ! Dans notre société matérialiste, l’art nous plonge dans le monde sensible ce qui nous rend plus humain. Comme disait André Malraux, «  L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme."

e-taqafa : Quel genre de carrière aimeriez-vous faire ?

Marie Prégnant : Oscar Wild a dit : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles. »Pouvoir allier théâtre, cinéma et chant serait pour moi l’idéal ! Avec des rôles faisant appel à l'humour, j’ai un sens du comique qui ne demande qu’à être exploité. Mais aussi jouer de grandes tragédies, j’ai eu la chance d’interpréter Hermione dans Andromaque, c’était une expérience sensationnelle.

e-taqafa : Comment le confinement a changé votre vision artistique ?

Marie Prégnant : Le confirment n’a pas été facile… Je me sentais comme un lion en cage, toute cette énergie qui n'était mise à aucun service… Mais finalement ça a été important, de revenir à soi, dans le présent, comme une pause mondiale, un huit-clos, pour nous inviter à développer notre intériorité. Et c’est là  que l’art est devenu essentiel, le confinement sans art aurait était insurmontable. C’est grâce à la musique, aux films, aux livres qu’on a pu voyager tout en étant chez nous… Moi qui avais parfois tendance à penser que les artistes n’avaient pas d’impact réel sur les vies… Bien au contraire, on baigne dans l’artistique en permanence sans forcément en avoir conscience ! Le confinement m’a donc fait prendre conscience que nous étions entourés d’expression artistique. Alors un grand merci à tous ces artistes qui se sont battus pour rendre leur art accessible et qui nous en font profiter encore aujourd’hui !