Je veux rester présent au Maroc

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A travers ce trait fluide et le mouvement saisissant qui anime ses créations, l’artiste intrigue par la diversité des lignes directives. Kouhen suit son émotion pour aborder une idée qu’il a « captée ».

Rencontre avec l’artiste.

 

e-taqafa : Comment avez -vous découvert l’artiste en vous ?

Hassan Kouhen : En 1965, alors que je n’avais que 10 ans, j’ai imité les œuvres de Picasso.  J’aimais peindre. J’ai quitté le Maroc en 1975 pour entamer mes études d’arts plastiques au British Columbia à Vancouver au Canada en 1977. Ma première exposition était à l’hôtel Vancouver en 1979. En 1980, je suis parti à Los Angeles où j’ai exposé dans plusieurs galeries à  Beverly Hills en Californie et depuis je ne fais que peindre et cela fait 43 ans maintenant que je suis artiste.

 

e-taqafa : Hassan Kouhen se situerait dans quel style artistique ?

Hassan Kouhen : C’est un mélange d’abstrait, de cubisme, de figuratif, j’aime cette liberté d’investir plusieurs styles à la fois. Je travaille avec spontanéité mais toujours en gardant la touche Hassan Kouhen. 

 

e-taqafa : Votre création a connu des périodes différentes, est-ce un besoin de changement?

Hassan Kouhen : Je travaille comme les grands maîtres de la peinture comme  Picasso et Matisse.  Mon travail change selon l’endroit où je suis. Je capte les moments, les scènes, les émotions, les sentiments, à travers ces éléments captés, je crée. Je les perçois à ma manière  et je les traduis en créant. Les idées me viennent sans que je puisse expliquer comment. Mon travail au  Maroc est différent de celui que je fais aux USA, ou ailleurs. C’est tout à fait différent.  Je m’inspire de mes voyages, des aventures vécues, des difficultés que j’ai eues, c’est ce qui me donne des idées. Je me permets de dire que je suis un artiste un peu différent parce que tous les trois ans j’ai d’autres idées, d’ici deux ou trois ans j’en aurai d’autres. Je suis à la recherche de « quelque chose » parce qu’ il n’ya  pas de limites dans l’art.

 

e-taqafa : Quelle est la différence entre un tableau créé au Maroc et un autre créé  aux USA ?

Hassan Kouhen : Pratiquement tous les tableaux créés au Maroc ont une touche marocaine car en les créant j’ai des visages marocains qui traversent mon imaginaire, des visages de femmes amazighes, des couleurs du Maroc, des chevaux… ces éléments sont représentés de manière abstraite bien sûr.  Aux USA, j’ai d’autres idées différentes. Dans mes tableaux marocains, il y a plus de formes, plus de couleurs, ceux des USA ils sont plus légers.

 

e-taqafa : Pourquoi la couleur noire ?

Hassan Kouhen : Dans ma vie, j’ai vécu la joie et la tristesse. Les jours où je ne suis pas bien, la couleur noire est prédominante, elle ressort massivement. Ma création suit mon état d’âme.  Dans des moments difficiles, les idées et les couleurs suivent aussi. Je suis très touché également par la pauvreté et la misère des gens.  Mes peintures évoquent souvent cette pauvreté.

 

e-taqafa : Travaillez-vous suivant des thèmes ?

Hassan Kouhen : Oui ! Mes personnages montrent la misère.  Ils sont déchirés sous l’emprise de leur misère, seuls ou avec leurs familles. Je peins mes sentiments face à des drames familiaux et j’essaie de transmettre les leurs.

 

e-taqafa :  Quand vous parlez de misère, s’agit-il  de la misère liée à la pauvreté  ou celle des sentiments aussi ?

Hassan Kouhen : Surtout celle liée à l’argent. Des fois j’ai, dans mes tableaux, des personnages qui portent peu d’habits, qui souffrent. N’empêche, j’ai aussi quelques couleurs qui annoncent la joie.

 

e-taqafa :Comment travaillez-vous vos tableaux ?

Hassan Kouhen : Quand j’ai une idée, je commence un tableau et il faut que je le termine, je ne peux pas m’arrêter, même pas une seconde, si je m’arrête, le tableau est perdu, gâché.  Quand j’ai l’idée il faut que je  la mette sur la toile. Le premier travail peut être fait en 10 minutes tandis que le reste du travail peut prendre quelques jours. Une fois que l’idée est là, je choisis les couleurs qui correspondent à cette idée et là il n’y a pas de règles si j’ai envie de mettre du jaune je mets du  jaune et non une autre couleur…

 

e-taqafa : La composition du tableau commence toujours de bas en haut ?

Hassan Kouhen : De bas en haut ou le contraire, des fois je commence du milieu, tout dépend de l’idée que j’ai eue. Dans un tableau il n’y a pas de limites pour s’arrêter non plus, je peux continuer à travailler dessus sans arrêt, sans fin.

 

e-taqafa : Votre travail suit votre émotion ou une composition préétablie ?

Hassan Kouhen : Il suit mon émotion mais je décide  quand même où je dois finir un tableau. Je me dis qu’il faut que j’arrête quelque part.

 

e-taqafa : Pourquoi la prédominance des visages de femmes ?

Hassan Kouhen : J’ai toujours aimé les femmes, je les adore, je n’imagine pas mon existence sans femmes. Je ne sais pas pourquoi il y’en a autant, les visages des femmes ressortent spontanément sur mes tableaux.

 

e-taqafa : Avez-vous été influencé par la pratique artistique aux USA ?

Hassan Kouhen : Oui, quand je visite des galeries, des expositions je regarde  comment les autres artistes travaillent, les idées qu’ils ont, indirectement  c’est une ouverture sur d’autres  manières de créer.

 

e-taqafa : C’est important pour vous d’exposer au Maroc ?

Hassan Kouhen : C’est mon pays, je veux rester présent au Maroc, tôt ou tard je vais revenir et c’est important que mon nom soit connu dans mon pays. Je ne veux pas revenir à la dernière minute. Je veux que mes tableaux soient chez les Marocains, c’est important pour moi. Le travail de la Fondation suit le même but. Elle aide les artistes pour qu’ils soient visibles au Maroc, c’est très bien.

 

Propos recueillis par Fatiha Amellouk pour e-taqafa.ma