« Il n’a jamais oublié d’où il venait »

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L’artiste réifie les scènes de la vie quotidienne en interprétant l’ordinaire. Ses compositions chromatiques ocres rappellent les tons de sa terre natale. Les formes témoignent de l’éveil d’un souvenir et suggèrent les lignes d’une architecture traditionnelle. L’artiste ne se méfie pas des signes et se livre à une sémiotique du sensible.

Après un long combat contre la maladie, Mohamed Azouzi est décédé, alors qu’il préparait son exposition à l’Espace Rivages. 

Rencontre avec son fils et collaborateur Amir Azouzi.

e-taqafa : Qu'est-ce que ce titre " l'Essence de la vie" aurait pu signifier pour l'artiste?

Amir Azouzi : Avant qu’il ne parte, nous avions discuté du titre qu’il choisirait pour sa prochaine exposition. Pour lui, « l’Essence de la vie » était l’harmonie qui régnait lors des interactions entre les gens et la ville. Ainsi, ces scènes de la vie quotidienne des gens qui façonnent la société était pour lui la pierre angulaire de ses travaux.

e-taqafa : Comment l'artiste composait ses tableaux? qui précédait l'idée ou le geste créatif?

Amir Azouzi : Dans la majeure partie de ses travaux, c’était le geste qui suivait l’idée. Il avouait quelques fois marcher dans la rue et tomber sur des situations marquantes qui faisaient naitre des émotions en lui. Il prenait ainsi son carnet, notait toutes ses idées, les couleurs qui y étaient liées et en rentrant à l’atelier, il reproduisait tout cela. Parfois, il lui arrivait même de faire un focus sur un tableau de le laisser sécher, de passer à un autre puis de revenir dessus quelques jours ou quelques semaines plus tard.

e-taqafa : D'où vient l'attachement à la calligraphie arabe et notamment à la lettre « Noun » ?

Amir Azouzi : Le Noun,qui est une lettre de l’alphabet arabe, représentait pour lui les bras tendus vers le ciel, la connaissance, l’humain, l’interaction et la solidarité entre les peuples et les religions.

e-taqafa : Les signes sont -ils peints pour transmettre un message?

Amir Azouzi :  Tous ces signes sont peints selon un code que seul Azouzi pouvait aisément déchiffrer. Cependant, il aimait transmettre des choses personnelles, des émotions, des sentiments tout en laissant libre choix à l’interprétation de tout un chacun.

e-taqafa : Les couleurs ocres sont maintenues malgré le fait que l'artiste vivait en France, pourquoi?

Amir Azouzi :  Même s’il vivait en France, il n’a jamais oublié d’où il venait. Ses racines, ses amis, sa famille ; autant de souvenirs qui ont façonné sa personnalité et son style artistique. L’utilisation de ces couleurs ocres, n’était autre qu’une représentation de sa  terre natale et de son attachement au Maroc.

e-taqafa : Quels sont les thèmes traités par l'artiste?

Amir Azouzi : Les thèmes traités par l’artiste ne sont autres que ceux des actions de la vie quotidienne qui structurent la société dans laquelle nous vivons. Sa démarche créative était guidée par l’environnement dans lequel il évoluait. Par exemple, sa dernière série a été réalisée lors du confinement alors que tout était à l’arrêt. Il s’est servi de cette période de pandémie pour étudier dans son style une nouvelle facette de la société.

e-taqafa : Comment l'artiste a vécu le fait d'être un artiste d'origine marocaine en France durant les années 70?

Amir Azouzi :  Arrivé à l’École des Beaux-Arts de Paris dans les années 70, une période de grande ouverture, c’était pour lui l’occasion de montrer son talent à un nouveau public, découvrir une nouvelle culture et de se faire une place en tant qu’artiste d’origine marocaine. Il a pu notamment compter sur le soutien de Jean Bertholle son maître à l’École des Beaux-Arts qui, par ses conseils, lui a permis d’exprimer pleinement son talent.

e-taqafa : Par ailleurs, vivre en France a-t-il  influencé sa création?

Amir Azouzi : Bien sûr, vivre en France a influencé sa création car il a toujours été très sensible à son environnement, mais ce qui l'a toujours intéressé, partout où il a vécu, c'est les anecdotes, les lumières et l'optimisme : comment continuer à aller de l'avant.

e-taqafa : Que représente pour vous cette exposition à l'Espace Rivages organisée après le décès de l'artiste?

Amir Azouzi : cette exposition est avant tout l’hommage à un artiste, un père, un frère, une personne pleine de vie qui nous a appris que faire ce que nous aimons et être entouré des personnes que l'on aime c’était le bonheur à l’état pur. Il a été touché, il y a 10 ans de cela par une invitation de la Fondation Hassan II à l’occasion de la fête du Trône. Il aurait été honoré de voir ses œuvres exposées à l’Espace Rivages.