La réalisatrice belge d’origine marocaine Karima Saïdi présente un nouveau documentaire intitulé Ceux qui veillent, consacré aux liens entre mémoire, disparition et coexistence humaine. Après Dans la maison, sorti en 2020 et centré sur l’histoire de sa mère et la question de l’exil, ce nouveau film s’inscrit dans une continuité personnelle tout en élargissant son propos à une dimension collective.
Le point de départ du documentaire est le dernier souhait de la mère de la cinéaste, qui désirait être inhumée dans le cimetière multiconfessionnel de Bruxelles. Ce lieu, en Belgique, permet aux familles d’enterrer leurs proches selon leurs traditions religieuses ou culturelles. Karima Saïdi en fait le cadre principal de son film, observant le quotidien d’un espace où se croisent des communautés d’origines et de confessions diverses.
Au fil des séquences, la caméra s’attarde sur les gestes simples qui rythment la relation des vivants à leurs morts : visites régulières, prières, échanges entre proches, entretien des tombes. Le cimetière apparaît comme un lieu de passage et de rencontres, où le silence cohabite avec la parole, le recueillement avec des moments de partage. Les rituels varient selon les cultures, mais les émotions exprimées se rejoignent.
La réalisatrice adopte une approche discrète, privilégiant l’écoute et l’observation. Sa caméra accompagne les personnes filmées sans intervenir, laissant place aux récits individuels et aux visages. Le film met en lumière la manière dont chacun compose avec l’absence et maintient un lien avec ceux qui ne sont plus là.
Le projet est le résultat d’un travail de terrain. Avant de filmer, Karima Saïdi a passé de nombreux mois à fréquenter le cimetière, à rencontrer les familles et à échanger avec le personnel. Cette immersion progressive lui a permis de gagner la confiance des personnes présentes et d’accéder à une réalité souvent peu visible. Les employés du lieu occupent d’ailleurs une place importante dans le documentaire, qui souligne leur rôle et leur engagement au quotidien.
Le récit s’organise autour de la tombe maternelle, point d’ancrage à partir duquel se déploient d’autres histoires. Les personnes rencontrées viennent d’horizons multiples, mais partagent une même expérience du deuil. Le film montre comment, malgré les différences de rites et de croyances, la perte d’un proche suscite des réactions universelles.
Présenté en Belgique, Ceux qui veillent a suscité de nombreuses réactions parmi les spectateurs, qui ont souvent fait le lien avec leurs propres histoires personnelles. Le documentaire se veut un espace de reconnaissance et de partage, invitant à porter un regard attentif sur des lieux et des personnes habituellement en marge du regard public.
À travers ce film, Karima Saïdi aborde la mort sans dramatisation excessive, en la reliant à ce qui perdure : les souvenirs, les gestes transmis et les relations humaines.
