L’immigration n’a jamais été un frein

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Créer pour Karima Di Lena est une tentative de reconstruction. Elle manie les couleurs pour tracer des formes, des portraits de femmes ou des créations abstraites. En toute liberté, elle aspire à partager des émotions et des valeurs notamment la nécessité du respect et de la considération.

Rencontre avec l’artiste

e-taqafa : Comment êtes-vous devenue artiste ?

Karima Di Lena : Cela remonte à mon enfance. Quand j’avais six ans, j’ai perdu ma mère. J’ai commencé à dessiner, avec des crayons et des feutres, des formes : des papillons, des personnages de dessins animés, la nature… tout ce qui me passait par la tête, je laissais libre cours à mon imagination. Tout mon manque d’amour je l’exprimais par l’art. J’ai voulu faire des études en arts plastiques, mais malheureusement mes notes en mathématiques n’étaient pas correctes et j’ai fait des études de lettres modernes contre ma volonté. Néanmoins, mes mains n’ont jamais lâché le pinceau. J’ai continué à peindre, à visiter des expositions, à rencontrer d’autres artistes pour apprendre d’autres techniques.

e-taqafa : Qui sont les artistes qui vous inspirent ?

Karima Di Lena : Je me suis inspirée en visitant des expositions, des musées d’art contemporain partout dans le monde. Je me suis inspirée des techniques des grands artistes, de leur talent et leurs couleurs… J’adore la liberté d’expression de Picasso, j’aime Van Gogh, l’artiste marocaine Chaïbia Talal. L’artiste Zeki Arslan, qui grâce à lui, j’ai découvert une autre manière de mélanger les couleurs avec beaucoup de fluidité. J’ai toujours aimé évoluer dans ce que je fais, persévérer et m’inspirer d’autres artistes peintres tout en restant moi-même et garder mon style qui me ressemble en maintenant mon équilibre et ma simplicité.

e-taqafa : Avez-vous des thèmes de prédilection ?

Karima Di Lena : Dans mes peintures, je me suis toujours exprimée spontanément sans chercher absolument un thème dès le départ. Quand je peins, je partage toutes mes émotions positives et négatives et je transmets surtout des messages d’amour, de solidarité, de respect de soi-même et des autres. L’art c’est aussi une manière de partager son amour.

e-taqafa : Quelles sont les étapes qui ont marqué votre démarche artistique entre figuration et abstraction ?

Karima Di Lena : Au début, j’ai commencé à peindre des grands formats sur toile. Je privilégiais le style abstrait en m’exprimant avec des mélanges de couleurs et de plusieurs techniques : couteau, pinceaux, mes doigts, en utilisant la peinture à l’huile et en travaillant sur des formes. Après, au fur et à mesure et en visitant d’autres expositions et en m’inspirant d’autres artistes, j’ai découvert une autre manière de peindre en peignant des visages et des personnages. Pour moi, un artiste ne doit pas avoir des limites ou des frontières.

e-taqafa : Comment l’émigration a-t-elle influencé votre création ?

Karima Di Lena : Je me suis installée en France en 2010. Aujourd’hui j’ai déjà ma première collection dans une galerie dans la ville de Saint-Quentin. Une belle ville artistique et culturelle qui inspire. C’est le lieu de naissance de Quentin de la Tour, le célèbre portraitiste pastelliste. Ses espaces artistiques m’ont accueillie à bras ouverts. J’ai eu l’occasion d’exposer ma première collection tout en partageant ma culture d’origine marocaine et ma palette riche. L’immigration n’a jamais été un frein pour moi au contraire, c’est une expérience qui m’a permis d’apprendre, de partager, d’avancer et de garder mon rêve d’artiste pour le réussir.

e-taqafa : Comment vivez-vous en tant que femme artiste d’origine marocaine en France ?

Karima Di Lena : J’ai pris beaucoup de temps pour m’adapter à une nouvelle vie de famille, de maman et d’artiste. Ceci n’était pas évident, mais j’étais bien entourée, j’ai pu avancer dans ce que j’aime faire, me reconstruire tout en gardant mon activité artistique et d’être moi-même. J’ai créé une association artistique « Art Aisne plus » qui m’a permis de partager, d’écouter, d’apprendre et surtout de me reconstruire. J’ai fait beaucoup de formation pour pouvoir trouver une certaine autonomie et un équilibre tout en restant artiste et en cherchant à évoluer et à exposer mon art.

e-taqafa : Les portraits de femmes transmettent ils des messages ?

Karima Di Lena : Les portraits de femmes représentent mon manque d’amour et surtout le manque ressenti après le décès de ma mère quand j’avais six ans. Ces portraits sont également la femme, la maman et l’artiste. J’essaie de véhiculer d’autres messages comme la nécessité de la liberté, du respect et de la considération. Je transmets toutes ces valeurs par la couleur.

e-taqafa : Que représente pour vous cette exposition à l’Espace Rivages ?

Karima Di Lena : J’ai toujours rêvé d’exposer au Maroc. Cette occasion est très importante dans ma vie de femme marocaine et d’artiste. J’en suis fière et je remercie beaucoup l’Espace Rivages de la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Étranger qui m’a donné cette occasion, qui est un rêve qui se réalise. Le rêve de partager mes oeuvres dans mon pays natal et d’exprimer mon amour envers le Maroc et mes compatriotes.