Publié le 21 août 2025 aux Éditions Verdier, Allô la place marque les débuts littéraires de Nassera Tamer. Ce premier roman, à la fois intime et poétique, interroge la mémoire, la langue et les liens familiaux à travers l’expérience d’une fille d’immigrés marocains grandie en France.
L’ouvrage retrace le parcours d’une narratrice qui cherche à renouer le dialogue avec sa mère, repartie vivre à Casablanca, par le biais de conversations téléphoniques menées depuis des téléboutiques parisiennes. Ces échanges fragmentés deviennent le fil conducteur d’un récit sur la distance, l’absence et la quête d’une langue perdue. La narratrice entreprend parallèlement un « réapprentissage » du darija, l’arabe marocain, à travers une application d’échange linguistique. Cette expérience virtuelle lui permet de rencontrer Mer, une jeune femme marocaine, figure miroir et double symbolique de la mère, avec laquelle elle redécouvre la musicalité et la mémoire de la langue parentale.
À travers ces correspondances, Nassera Tamer interroge les thèmes de l’exil, de la filiation et de l’identité frontalière. Le téléphone, omniprésent dans le roman, devient à la fois lien et symbole de séparation, incarnant la trace sonore de l’éloignement et la difficulté de dire. La romancière y voit un objet politique et poétique, révélateur des fractures entre générations, territoires et langues.
Le texte se distingue par une écriture mesurée, fragmentaire et pudique, où chaque mot semble pesé pour restituer la fragilité des sentiments et la complexité des héritages. En filigrane, Allô la place évoque la condition des enfants d’immigrés, leur rapport ambivalent à la langue de leurs parents et la difficulté de trouver leur place entre deux mondes.
Nassera Tamer, née en 1982, est juriste de formation et travaille dans le secteur bancaire et financier. Parallèlement à sa carrière, elle développe depuis plusieurs années une pratique d’écriture centrée sur les récits de soi en contexte postcolonial, la poésie expérimentale et l’exploration de l’écriture hétérolingue. En 2022, elle rejoint le master de Création littéraire de l’Université Paris 8 avec un projet de récit-enquête portant sur sa relation à sa langue maternelle, le darija marocain, ainsi que sur les thématiques de l’immigration et des taxiphones. Elle collabore occasionnellement avec des médias tels que le Bondy Blog et Lundi Matin.
