Rachida Belkacem

Écrivaine

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« Revenir alors à sa part d'humanité pendant cette crise est à mon sens une évidence »

Écrivaine franco-marocaine, Rachida Belkacem est la plume de la poésie libre. Dans son dernier opus «La révolte des secrets», elle rend hommage à la femme marocaine avec grâce. Rencontre.

 

E-taqafa : Quel est le point de départ de "La révolte des secrets" ?

Rachida Belkacem : Tout d'abord l'envie de partager de la poésie dont le personnage principal est une femme. Je parle aussi de transmission transgénérationnelle. Une manière de rendre hommage à ma grand-mère berbère, l’un des personnages pose un regard libre, poétique, fort, une forme de voyage initiatique, l’autre regard sur nos vies de femmes. Je parle aussi de silence qui existe dans les familles, des secrets, des non-dits, de l'importance du mot de l'écoute et celle de verbaliser. Il s'agit d'un roman optimiste qui met en lumière les liens de femmes. La force de ce lien est d'en faire un socle voire un lieu de ressources. Il reste évidemment au lecteur la liberté de s'approprier ou pas telle ou telle valeur de l’un des personnages. Un roman comme une respiration, le personnage principal vivant une vie effrénée, ralentit petit à petit le rythme de sa vie lorsque commence son introspection.

 

E-taqafa : Considérez- vous ce roman comme féministe ?

Rachida Belkacem : Si parler, raconter les vies de femmes c'est être féministe, je le suis incontestablement. Pour moi c'est une évidence, j'ai toujours aimé depuis toute petite être à l'écoute des histoires de femmes. En revanche, rentrer dans la peau d'une femme qui se bat contre une maladie incurable, fut extrêmement troublant. Cela m'a permis de réfléchir sur ce qui se passe entre les femmes d'une même famille lors d'une épreuve. La femme dans mon roman est forte et fragile, écrire sur la femme est sûrement un reflet de mes convictions citoyennes, mais toujours sous l'angle romanesque.

 

E-taqafa : Comment avez-vous pensé la structure narrative du roman ?

Rachida Belkacem : L'intrigue autour du secret de cette femme fut une évidence, en revanche faire de tous les personnages de femmes secondaires, tour à tour, des personnages phares fut plus difficile.

 

E-taqafa : Avez-vous un rituel d'écriture ?

Rachida Belkacem : J'ai pour habitude d'écrire le soir tard, sûrement le silence qu'instaure la nuit me permet de m'imprégner des émotions et poser ainsi les mots plus aisément. La nuit tout me semble plus fluide, comme déshabiller de mes impératifs, je pouvais enfin laisser mon esprit nu, libérée des contraintes pour laisser s'échapper enfin les mots.

 

E-taqafa : Comment est née votre passion pour le verbe et la poésie ?

Rachida Belkacem : Tout simplement comme une profonde envie de liberté, d’évasion et comme j'aime observer, écouter, l'écriture me permet tout cela. Incontestablement aussi un amour profond pour la littérature. Ancrer mes personnages dans le quotidien est primordial, comme un espace ou les différentes versions d'une même réalité s'affrontent donnant naissance à une fiction. Une partie de mon plaisir d'écrire réside dans le fait de m’imprégner de la réalité des vies qui m'entourent. L'écriture est toujours à mon sens une passerelle vers l'autre. La poésie est une fenêtre d'espoir, une manière de réinventer nos vies.

 

E-taqafa : la crise actuelle a- t-elle affectée votre créativité et processus d'écriture ?

Rachida Belkacem : Absolument, la crise que l'on traverse reste inédite. Revenir alors à sa part d'humanité pendant cette crise est à mon sens une évidence. Il y a des événements qui nous transforment plus que d'autres car ils disent de nous quelque chose de beaucoup plus profond, ils révèlent cette part d'indicible, un peu comme l'écriture. Mon écriture devenant aussi un lieu de refuge.

 

E-taqafa : Qui sont vos modèles dans la littérature ?

Rachida Belkacem : Charles Baudelaire pour ses audaces poétiques, Albert Camus et Paul Eluard  pour leurs engagements humanistes à travers leurs œuvres. Je reste évidemment sensible à l'incontournable grande figure littéraire Victor Hugo  pour ses écrits et son engagement politique. Enfin Marina Tsvetaieva; poétesse russe pour la puissance de ses écrits après son exil.