JULIEN FOURÉ

Réalisateur et monteur

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« Nous avons aussi comme ambition de devenir une post production disponible pour toute l'Afrique francophone »

Depuis plus de 16 ans, Julien Fouré monte des films marocains comme il respire. D’aventures en aventures et après plusieurs prix du meilleur montage au Festival National de Tanger, il crée  une société de post- production à Casablanca avec son acolyte : Youssef Barrada. Ensemble, ils supervisent les projets, les accompagnent et surtout forment une nouvelle génération de professionnels du cinéma.

Etaqafa : Comment est née l'idée de créer votre société de post- production?

Julien Fouré : Après une bonne dizaine d'années à monter des films et des séries dans nos coins, seuls, on s'est dit avec Youssef Barrada, mon associé, qu'il serait temps de créer une post-production digne de ce nom. Comme il en existe tant ailleurs. Nous avions deux objectifs. Proposer des vrais services de Post-production indépendants et aussi pouvoir créer une équipe afin de nous sentir moins seuls sur les projets.

Etaqafa : Pourquoi y a-t-il si peu de sociétés spécialisées dans la post production au Maroc ? Avez-vous pris un risque ou est-ce une aubaine ?

Julien Fouré : Nous avons remarqué que les seules post-productions au Maroc sont intégrées à des grandes boîtes de production. C'est une aubaine car comme je l'ai dit, il était important de pouvoir créer une équipe.  Nous avons donc pris des jeunes diplômés ou autodidactes et nous essayons de les former en même temps qu'ils travaillent au métier d'assistant monteur qui est peu valorisé au Maroc.

C'est important pour nous de rappeler aux écoles au Maroc que l'on ne sort pas chef monteur après les études et qu'il faut absolument passer par de l'assistanat.

C'est un énorme risque aussi car nous avons réalisé que les couts de post-production étaient jusqu'alors imbriqués dans les devis de production et que les sociétés indépendantes avaient l'habitude de payer des services peu onéreux. Et notamment avec le digital, ou il suffit d'un ordinateur et d'un monteur pour tout faire.

Etaqafa :Qu'est-ce qu'un bon monteur selon vous?

Julien Fouré : Un bon monteur doit être sensible, doit vouloir et savoir raconter des histoires. Il doit être le prolongement cérébrale de son réalisateur et doit savoir interpréter la volonté du réalisateur, l'appliquer à son montage tout en y intégrant sa touche ou ses propositions. Enfin, un bon monteur ne doit pas avoir trop d'égo, car à la fin du montage, c'est le réalisateur qui signe le film et qui doit être fier et heureux de son film. Aussi il est important pour le monteur de connaitre un maximum l'aspect technique de son métier, voire de tous les métiers du cinéma.

Etaqafa :En quelques mots , le montage et l'étalonnage, c'est quoi ?

Julien Fouré : Le montage est la  troisième écriture du film. C'est la dernière étape de la  narration avant la finalisation d'un projet. En gros, on part d'un scénario qui a ensuite été tourné. Et avec les images tournées, nous les mettons en ordre et en rythme pour exploiter ses forces et ses faiblesses pour arriver à un film qui fonctionne et qui raconte l'essence de l'histoire. L'étalonnage est la peinture sur image. En résumé, il faut savoir que l'image tournée peut ensuite être modifiée de toute part.En effets spéciaux,  en y ajoutant ou enlevant des éléments. En couleurs en changeant par exemple les dominantes chromatiques.
Etaqafa :  Ya t-il une seule façon de monter un film?

Julien Fouré : Le cinéma n'est pas une science exacte. On ne fait pas un film comme on fait un immeuble avec des angles droits pour les fondations.Il y a donc mille et une façon de monter un film. D’'ailleurs, même quand on sort un film au cinéma, on peut toujours se demander si le montage est le meilleur que l'on aurait pu faire...

Etaqafa : Est-ce facile de trouver de bons profils en post production au Maroc?

Julien Fouré : Malheureusement non. Tout simplement parce qu'à l'inverse d'autres métiers comme chef opérateur ou décorateur, les techniciens de la post- production n'ont pas la chance de faire leurs armes sur des productions étrangères. Je m'explique, quand un chef opérateur sort de l’école, il va commencer assistant caméra sur des productions étrangères et va apprendre le métier avec des grands du domaine. Les films étrangers sont post -produits dans leurs pays d'origine et nous n'avons donc pas accès à des grands monteurs ou monteurs son.  Nous avons de superbes jeunes qui ont soif d'apprendre. Nous essayons donc à notre petite échelle de faire de la formation en parallèle de notre activité.

Etaqafa : Le montage peut-il sauver un film?

Julien Fouré : On peut faire d'un bon film, un excellent film mais on ne peut pas faire d'un film mauvais un film moyen disons qu'on peut réduire la casse. Quand la matière est bonne on peut se régaler. Mais quand la matière est pauvre, on essaie juste de sauver les meubles, pas de sauver le film.
Etaqafa : Comment vous voyez- vous évoluer ?

Julien Fouré : Nous avons encore beaucoup à apprendre pour être un vrai laboratoire de post- production. Nous continuons notre formation sur de nombreux domaines comme la création de masters et autres défis techniques. Nous avons pour ambition de créer le lieu idéal pour tout réalisateur au Maroc avec un vrai audit de mixage et une vraie salle d'étalonnage capables de simuler au mieux les conditions de diffusion que sont les salles de cinéma.Nous avons aussi comme ambition de devenir une post- production disponible pour toute l'Afrique francophone et donc créer des ponts avec le Sénégal, la Côte d'Ivoire et tous les pays qui ont besoin de services de post -production sans pour autant avoir toujours les moyens d'aller finaliser les films en Europe.