L’émigration est une expérience fabuleuse

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Emotions exacerbées, souffrance ou méditation s’emparent de l’œuvre de l’artiste Ali Sahtoute, conférant à ses toiles des intrigues saisissantes. Par la représentation des postures du corps, des expressions et des tons discrets, l’artiste expose la colère, la complicité, la séparation, l’obsession ou le paradoxe.

Le lien entre l’artiste et ses créations est solide et inexplicable. Elles portent son ressenti profond, ses émanations spirituelles ou son humanité.

e-taqafa : Chaque toile porte, avec force, la souffrance de son personnage ou sa méditation profonde, d’où viennent ces émotions ?

Ali Sahtoute : Les émotions senties à travers mes peintures sont dues à une vibration ou un ressenti profond. Moi-même je ne trouve pas de mots pour les expliquer. Ce sont des émotions très intimes. Ce type d’expression ne peut être défini mais chacun peut l’interpréter comme il le sent. C’est comme un chanteur lorsqu'il interprète une chanson avec émotion.

e-taqafa : Peut-on parler d’un attrait spirituel dans vos créations ?

Ali Sahtoute : Oui, il y a un attrait spirituel intérieur. La facette spirituelle dans mon travail est une connexion avec ma dimension la plus profonde qui se fait au fur et à mesure du travail. Cette connexion me permet d'être en alignement avec moi même. Extase, méditation, émerveillement, par ces codes j'humanise mes peintures.

e-taqafa : Le corps est traité avec pudeur, peut-on parler d’une retenue ?

Ali Sahtoute : La représentation du corps dans mes créations n’est pas pratiquée avec retenue. Je dirais plutôt que les éléments du corps ne sont pas ma priorité. Je m’intéresse plus à sa posture, à ses expressions qui nous incitent à le décoder. A travers le corps, je mets en avant l’émotion qu’il porte et qu’il transmet.

e-taqafa : Le choix d’une palette réduite a-t-il une signification particulière ?

Ali Sahtoute : Le travail avec une palette réduite notamment le blanc et le gris, est probablement dû à une influence du climat gris de la Belgique. L’artiste est bien évidemment influencé par les couleurs de son environnement. Le choix des couleurs est subjectif et très intime et souvent difficile à justifier.

e-taqafa : Les textes en arabe, sont-ils un indice de vos origines ou sont exploités à d’autres fins ?

Ali Sahtoute : Les textes en arabe qui sont présents dans certaines peintures sont purement graphiques, les phrases n’ont pas de sens. Ces textes sont présentés ainsi afin de ne pas dévier du message de la peinture au profit de celui du sens écrit. Leur présence est due à l’intérêt que je porte à la lettre arabe et notamment à son aspect esthétique.

e-taqafa : La gravure a influencé votre manière de représenter les corps ?

Ali Sahtoute : La gravure est une technique parmi bien d’autres. J’ai toujours été fasciné par le langage du corps, je peux l’interpréter par diverses techniques, dessins, peintures…

e-taqafa : L’émigration est une expérience qui a marqué votre expression artistique ?

Ali Sahtoute : L’émigration est une expérience fabuleuse riche de cultures. Vivre au delà des frontières contribue à l’ouverture de l’esprit. Un tel déplacement nous donne l’occasion de prendre du recul vis-à-vis du travail artistique et de développer l’autocritique. Il est incontestable que c’est un enrichissement professionnel et humain.

e-taqafa : Ce retour pour une exposition au Maroc, à l’Espace Rivages, est-il une étape importante ?

Ali Sahtoute : L’exposition à l’espace Rivages, est pour moi un événement important qui marque un retour au Maroc, d’où le titre de l’exposition « Boomerang ». Ce titre est le symbole d’un processus, d’un parcours qui a pour objectif ou mission de revenir à son point de départ.

Propos recueillis par Fatiha Amellouk pour e-taqafa.ma