Mouna R’Miki

Actrice

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Mouna R’Miki

« Je ne me regarde jamais à l'écran »

Actrice aux multiples facettes, Mouna R’miki vient du théâtre et du Conservatoire de New York pour apporter précision et finesse à des rôles. Comme celui de Rania dans le dernier film de Driss Roukh : « Jrada Malha ». 

Rencontre.

Etaqafa : Comment Driss Roukh vous a proposé le rôle ? Avez-vous dit oui tout de suite ?

Mouna R’Miki :  Il m'a contacté sur les réseaux sociaux pour me demander de passer un casting. N'étant pas sur place et vivant à l'époque à New York, je lui ai proposé de lui envoyer un self-tape, qui est en réalité un casting enregistré sur vidéo. Il m'a envoyé une ou deux scènes que j'ai tournées dans mon salon avec l'aide d'une amie qui me donnait la réplique. Après plusieurs échanges, où il me dirigeait et apportait quelques précisions, le casting était bouclé sur plusieurs mois. Je ne savais d'ailleurs pas qu'il s'agit du premier rôle et je ne connaissais ni le synopsis ni le sujet. C'est un processus qui ressemble aux castings européens ou américains que j'ai pu passer. Quelques mois plus tard, j'ai reçu un appel de la production pour m'annoncer que j'étais prise et qu'il s'agissait du premier rôle. J'ai dit oui tout de suite, il s'agissait pour moi d'une superbe opportunité.

Etaqafa : Comment avez-vous préparé un rôle aussi physique que psychologique que Rania?

Mouna R’Miki : J'ai travaillé le texte avec un dialoguiste, au point où de ne plus y penser au moment de tourner. Souvent on se retrouve prisonniers des mots. Quand les mots font partie de nos muscles c'est là que la libre exploration du personnage commence. Driss m'avait également cité quelques personnages féminins de référence. Le but n'étant pas bien sûr de les imiter mais de comprendre le style recherché et l'essence. Physiquement, je fais du sport depuis des années et le rythme New-Yorkais effréné m'a rodé suffisamment pour supporter l'aventure de Rania. Psychologiquement, je pense que que mon défi principal était de ne pas tomber dans la caricature ou le cliché de la femme troublée. Chaque scène que j'abordais, j'essayais de la faire avec beaucoup d'empathie et de ne jamais la juger.

Etaqafa :  Est-ce que tous les rôles se préparent de la même façon?

Mouna R’Miki :Je ne pense pas que l'on prépare tous les rôles de la même manière. Je pense que le processus varie en fonction du projet, du personnage et parfois même de l'étape de vie dans laquelle l'acteur se trouve. Et puis parfois, on a eu beau préparer, rien ne sort comme prévu. La rencontre entre la préparation et une acceptation de se jeter dans le "vide" donne naissance à de belles choses.

Etaqafa : Quelles ont été les difficultés lors du tournage ?

Mouna R’Miki : Principalement le froid et des tournages de nuit dans le froid. C'était physiquement éprouvant mais il faut dire que ces difficultés logistiques m'ont nourrie et ont apporté une dimension plus profonde au niveau du jeu.

Etaqafa : Est-ce facile de sortir d'un rôle aussi intense ? Comment procédez-vous ?

Mouna R’Miki : Rania m'a habitée pendant plusieurs mois après le tournage, qui a coïncidé avec le début de la pandémie. J'avais beaucoup de temps devant moi pour lui faire mes adieux. Ce n'est jamais facile de sortir d'un rôle dans lequel on s'est parfois même confondu. C'était la première fois que je restais autant avec un personnage et le fait de tourner là où nous logions ne facilitait pas le processus. Il était difficile de faire une coupure à la fin de la journée de tournage et ce n'est pas forcément très sain, surtout si l'on incarne quelqu'un qui fait face à des démons. J'aime avoir recours à la méditation, le sport et autres activités créatives et surtout parler à mes personnages pour nous libérer mutuellement. Je les remercie et ferme la boucle avec eux.

Etaqafa : Quel rapport avez-vous avec le visionnage du film et le fait de vous voir à l'écran ?

Mouna R’Miki : Je ne me regarde jamais à l'écran. Je n'ai pas vu Jrada Malha et ne regarde pas ce que je fais en général. Je crée et joue un personnage et cette création est capturée par la caméra. Elle ne m'appartient plus. Elle appartient au public qui découvrira.