Un artiste est étranger même dans son propre pays

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Hamida Ouassini s’est exprimée d’abord  à travers la photographie pour passer ensuite à la  peinture abstraite. Bien que ces deux modes d’expression  soient considérés comme un  couple antagoniste, l’une est tributaire du monde, tandis que  l’autre s’en détache, Hamida a créé des fusions entre les deux en faisant appel à d’autres procédés notamment le collage.

Actuellement, sa création est liée à son inspiration. Elle se projette dans l’œuvre grâce à une technique, une matière pour une représentation picturale abstraite  de son être. Son œuvre est désormais un surcroit d’être. Un appel vibrant, un élan  qui se situent entre l’abandon et la vigilance pour créer sans suivre une théorie.

L’exposition Mutation(s) est une nouvelle découverte d’une autre étape dans une démarche créative.

 

e-taqafa : Quelle est la particularité de cette exposition ?

Hamida Ouassini : J’expose un travail qui reflète la personne que je suis aujourd’hui, avec mes préoccupations esthétiques et existentielles. C’est une période charnière de ma vie, riche en surprises. En écueils, aussi. Une période très importante. Un tournant auquel je tente de donner une concrétisation plastique. Je l’aborde à la fois avec une grande excitation et une légère inquiétude. On n’est jamais assuré du résultat.

 

e-taqafa : Changer de style, est-ce un choix ou une coïncidence ?

Hamida Ouassini : La série des « Racines Carrées » recèle un univers crypté. Il était temps qu’il se dévoile en l’explorant. C’est une évolution qui s’est imposée à moi.

 

e-taqafa : Et la prédominance du bleu et du rouge, est-ce un choix ou une coïncidence ?

Hamida Ouassini : Le choix des couleurs dépend de mon humeur. Ce n’est jamais une coïncidence.

 

e-taqafa : Pourquoi l’usage des cendres ?

Hamida Ouassini : La cendre convient à ce que je recherche. C’est à la fois une texture fine et poudreuse. J’aime créer une œuvre avec quelque chose qui a été détruit pour lui donner, selon mes besoins, une nouvelle vie.

 

e-taqafa : Qu’est-ce qui vous inspire ?

Hamida Ouassini : Je m’inspire de tout ce qui m’entoure. Je suis comme une éponge : tout est bon à prendre. Tout peut se transformer et devenir partie intégrante de mon travail. Je ne néglige ni ne méprise aucune matière aussi commune soit-elle (de la cendre, de la poussière, des fragments de photos, des vieux journaux, du sang, etc.)

 

e-taqafa : « La Ronde », est-ce un moyen d’aborder le thème de la femme ?

Hamida Ouassini : Non, je fais plutôt référence au mouvement circulaire qui ramène périodiquement au point de départ.

 

e-taqafa : Comment vivez vous en tant qu’artiste femme marocaine en Belgique ?

Hamida Ouassini : Lorsque je peins je ne suis ni femme ni Marocaine. Ni l’un ni l’autre ne doivent conditionner ma peinture. Quand je travaille, seul le résultat guide ma démarche. J’essaie de peindre le tableau le plus original possible. J’essaie constamment de me dépasser. Je n’aime pas qu’on juge mon travail à travers le prisme de mon sexe ou de mes origines. Il ne s’agit pas de les utiliser comme des étendards.

Quand je suis dans mon atelier le temps s’arrête. J’aurais tout aussi bien pu me retrouver à l’autre bout du monde que ça n’y aurait rien changé. Mes toiles sont une manière de me défaire des cadres dans lesquels on s’entête à m’enfermer.

 

e-taqafa : L’émigration a-t-elle marqué votre création ?

Hamida Ouassini : Non, pas vraiment. Un artiste est étranger même dans son propre pays. Sa sensibilité se heurte aux mêmes limites qu’il soit chez lui ou ailleurs.

 

e-taqafa : Que représente pour vous cette exposition à « Espace Rivages » ? 

Hamida Ouassini : Une première au Maroc.J’espère qu’elle sera le début d’une longue série.