Natif de la ville de Casablanca, Amine Hadef a exploré la pratique musicale dès l’âge de 10 ans. Grâce à l’apprentissage du piano et de l’orgue, premières étincelles qui vont marquer le début d’une nouvelle étape dans sa carrière, Amine Hadef parvient à ouvrir le champ des possibles.
Le chef du Chœur de Chambre du Maroc, qui avait récemment participé à la cérémonie d'ouverture de la 26ème édition du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde, affirme que, devenir un exemple d’ouverture et d’entente interculturelle est l’une des valeurs que voudrait transmettre sa chorale, composée majoritairement de chanteurs marocains, mais aussi français et subsahariens.
Rencontre avec Amine Hadef, chef du Chœur de Chambre du Maroc
E-taqafa : Vous avez commencé par le piano, puis l’orgue, comment avez-vous rencontré la pratique chorale ?
Amine Hadef : J’ai tout d’abord commencé le piano à l’âge de dix ans avec une professeure qui m’a donné le goût du grand répertoire pianistique mais, à sa grande surprise, ma sensibilité s’est rapidement dirigée vers Jean-Sébastien Bach.
J’ai donc commencé l’orgue à treize ans avec Madame Milian qui a été la dernière organiste du Maroc.
Pour une bonne connaissance de Jean-Sébastien Bach, elle insistait pour que j’écoute le répertoire de ce compositeur. J’assistais ainsi aux concerts de la chorale de Rabat dirigée par Louis Perraudin, grand pionnier de la musique classique au Maroc, qui interprétait le Magnificat de Bach. Ce fût une révélation, et je décidais donc de chanter à la chorale de Rabat, point de départ de ma vocation pour cet art.
E-taqafa : Quels sont vos répertoires de prédilection ?Amine Hadef :
Le répertoire auquel je suis très attaché et que je souhaite travailler avec le Chœur de Chambre du Maroc est celui de la musique vocale occidentale a capella, à savoir le répertoire pour chœur de chambre, notamment celui des compositeurs germaniques tels J. Brahms ou A. Brückner mais qui de façon plus globale s’étend de la renaissance à nos jours, de G. Allegri à E. Whitacre, en passant par F. Poulenc.
C’est un répertoire exigeant mais d’une grande beauté, pour l’instant peu connu au Maroc.
E-taqafa : Comment avez-vous formé ce chœur avec lequel vous répétez actuellement ?
Amine Hadef : Après 16 ans de carrière de chanteur à l’international sous la direction des plus grands chefs, P. Herrewegh, L. Equilbey, N. Marriner, H. Niquet, L. Langrée, P. Cao, F.Lasserre, ou E. Haim, j’ai pu former vocalement un certain nombre de chanteurs. La jeunesse marocaine actuelle déborde de talent et fait preuve d’une grande détermination face au travail et à l’exigence que demande le niveau que j’attends.A ceux-ci s'ajoutent des chanteurs d’horizons divers, que j’ai auditionnés, venant parfois de la musique de variété actuelle ou de la musique arabo-andalouse.La mixité musicale et culturelle de ces chanteurs, essentiellement marocains, mais aussi français et camerounais fait la force et la singularité du chœur.
E-taqafa : Selon vous, pourquoi la musique est importante dans nos vies ?
Amine Hadef : La pandémie que nous venons de traverser nous a tous beaucoup éprouvés. Dans ce contexte la musique a particulièrement été pour moi un refuge précieux, le pansement à mes blessures et mon lien avec le divin.
C’est une échappatoire aux difficultés matérielles mais aussi une langue universelle qui a le don de rassembler et de réconcilier.
E-taqafa : Quelles sont les valeurs de votre chœur ?
Amine Hadef : Le Chœur de chambre du Maroc s’inscrit dans une démarche de continuité dans le domaine de la musique classique occidentale au Maroc, en poursuivant ce qu’avait initié les musiciens qui ont été les pionniers du développement de ce répertoire, notamment les professeurs que j’ai évoqué tout à l’heure.J’aimerais que cet ensemble soit cependant un exemple de renouveau, à l’image du Maroc actuel, en défendant un répertoire exigent, mais qui par son universalité et sa qualité peut amener beaucoup d’émotions à un public qui pourra ressentir également l’énergie commune qui soude les membres du chœur.
E-taqafa : Quels sont les détails auxquels vous faites très attention pendant une représentation ?
Amine Hadef : Tout d’abord il faut prendre conscience qu’un concert ne démarre pas au moment de chanter ou de jouer, mais dès l’entrée sur scène. Pour mon ensemble, je suis très attentif au professionnalisme de mes chanteurs dès cet instant, car le public doit sentir que le chœur est constitué d’un groupe uni et non d’individualités isolées, permettant ainsi à l’auditeur de se mettre dans une bonne disposition pour l’écoute. Afin que le visuel n’interfère pas avec l’information musicale, je tiens également à une tenue vestimentaire noire et sobre, mais avec une touche marocaine subtile mais identifiable.
E-taqafa : Comment s’est déroulée la soirée d’ouverture du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde ?
Amine Hadef : Pour la soirée d’ouverture du Festival des musiques sacrées de Fès, nous avons eu le privilège inouï de chanter en la présence de SAR la princesse Lalla Hasnaa.
J’ai eu la chance de représenter simultanément le Maroc et la cathédrale Notre Dame de Paris, chaque prestation musicale étant accompagnée par un visuel représentant des chefs d’œuvres de l’architecture sacrée. Je me réjouis par cette dualité de montrer l’ouverture du Maroc quant à la tolérance entre les religions.
J’étais fier dans le domaine classique à avoir été repéré et considéré comme étant digne de représenter ma double culture, mon pays et son rayonnement à l’étranger.