Kebir Ammi et ses fresques romanesques sur le Maroc

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De la lecture adolescente à la création de fresques romanesques, Kebir Ammi raconte comment l’écriture lui permet de sonder le passé, d’observer ses personnages et de poser des questions sur le monde qui nous entoure. Dans cette interview, il partage son processus créatif, ses obsessions littéraires et ses projets à venir.

E-Taqafa : Comment votre intérêt pour l’écriture est-il né ?

Kebir Ammi : C’est en lisant que j’ai découvert l’écriture, comme beaucoup d’écrivains : Sartre, Gracq, Kafka, Woolf, Lessing, Mahfoud… J’ai commencé à lire à l’âge de 14 ans et je lisais beaucoup. Puis, un jour, très naturellement, l’écriture est devenue un jeu : j’ai voulu essayer à mon tour. C’était comme un pari ; je voulais voir si j’étais capable de raconter une histoire avec des mots sur du papier.

E-Taqafa : La migration et le voyage occupent une place centrale dans vos ouvrages. Comment choisissez-vous les périodes historiques que vous explorez ?

Kebir Ammi : En vérité, les périodes historiques  que j’aborde s’imposent à moi, c’est ainsi que les choses se déroulent. Ce qui m’importe, c’est de composer une fresque du Maroc, du XVe siècle à nos jours, en retraçant son rapport au monde. Cela commence avec Les vertus immorales, au XVIᵉ siècle, et va jusqu’à Le Ciel sans détours, qui évoque le XXᵉ siècle, en passant par Ben Aïcha (XVIIᵉ) et Mardochée (XIXᵉ).

E-Taqafa : Dans Les vertus immorales, vous racontez l’histoire d’un Marocain du XVIᵉ siècle partant pour l’Amérique. Comment avez-vous reconstruit l’expérience migratoire de cette époque ?

Kebir Ammi : J’ai bien sûr consulté de nombreux documents et ouvrages historiques pour me familiariser avec cette époque. Ensuite, je me suis informé sur le quotidien des gens : leur manière de vivre, de se nourrir, de s’habiller, de parler… Tous ces éléments étaient essentiels pour raconter une histoire se déroulant à cette période et immerger le lecteur dans cet univers.

E-Taqafa : Vos œuvres font souvent appel à des symboles et à des personnages historiques. Comment les choisissez-vous ?

Kebir Ammi : J’aime mettre en scène des personnages dans des situations précises, souvent problématiques, afin de les observer et de comprendre leur fonctionnement. Pour moi, l’important n’est pas de fournir des solutions, mais de poser des questions. Tous mes romans racontent une histoire, mais chaque récit est traversé par un questionnement. En réalité, le choix des personnages et des symboles s’impose naturellement.

E-Taqafa : L’écriture est-elle pour vous un moyen de revisiter l’histoire ou de mieux comprendre qui vous êtes ?

Kebir Ammi : Oui, l’écriture est à la fois un moyen d’éclairer des pans de l’histoire et de se connaître soi-même, tout en comprenant les autres. Vous savez, l’histoire, c’est nous : c’est vous, c’est moi. C’est le monde qui nous entoure, façonné par l’histoire, qui façonne ce que nous sommes.

E-Taqafa : Comment choisissez-vous les thèmes de vos romans ?

Kebir Ammi : On porte ces sujets en soi  et ils deviennent de véritables obsessions qui se transforment naturellement en matière de romans. C’est un travail qui se fait de manière inconsciente, pendant des mois, parfois des années. L’esprit travaille dans l’ombre, souvent à votre insu, et trie pour vous… Puis vient le jour où le sujet est prêt. C’est alors que je commence à écrire.

E-Taqafa : Quels sont vos projets littéraires à venir ?

Kebir Ammi : J’écris actuellement une pièce de théâtre qui met en scène des hommes et des femmes tentant de franchir le détroit de Gibraltar. J’aimerais beaucoup qu’elle soit jouée à Tanger, dans les lieux mêmes où se déroule l’action. Il existe un magnifique espace aménagé au Cap Spartel, et ce serait un rêve de voir ma pièce y être représentée pour la première fois. Ce serait formidable de trouver des producteurs capables de concrétiser ce projet dans notre pays avant que la pièce ne soit jouée ailleurs.