Quand le mur réunit deux artistes marocains résidant à l’étranger

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A premier abord, le mur suggère l’idée de cette structure solide construite pour  séparer ou délimiter des espaces.  Bâti pour se protéger de l’Autre, pour limiter ses déplacements ou  pour l’enfermer, le mur protège, isole ou  défend. Le mur peut être également symbolique.  « Un mur de silence » est créé volontairement entre les personnes pour marquer les distances entre eux. Le mur peut aussi être un mur d’incompréhension, de différence ou d’intolérance. Ce sont ces murs de haine ou d’indifférence qui forment  un obstacle infranchissable, qui séparent des personnes ou qui empêchent  leur communication. 

 

Ce mur qui sépare rassemblera cette fois -ci deux artistes maroco-allemands qui vont explorer ses différentes représentations. Si chacun d’eux recourt à son propre langage pour interroger son environnement, interroger le monde et produire des  réflexions et des émotions, le pari  de cette exposition est de provoquer un échange artistique et d’établir un dialogue entre le travail des deux artistes.

Rencontre avec Hakima Ouamira et Mohammed Ouammi.

 

e-taqafa :Comment êtes-vous venue à  la création ?

Hakima Ouamira : j’ai commencé la peinture suite à une tension psychologique. En plus, ma famille et le Maroc me manquaient aussi. Le soleil, les souks, les couleurs de la céramique et des tapis sont restés dans ma mémoire. Les couleurs du Maroc envahissaient mon imagination. Ce sont ces couleurs que j’exploite dans mes tableaux. C’est cet acte qui me rapproche de mon pays d’origine et qui soulage  ma tension psychologique profonde.

 

e-taqafa : Pour vous Mohammed, votre parcours est plutôt académique ?

Mohammed Ouammi : Oui, effectivement, j’ai vécu une période courte à l’Ecole Nationale des Beaux-arts de Tétouan. C’est en effet, en Europe que j’ai découvert de nouvelles expériences, où j’ai été influencé par de grands artistes et où j’ai fait des études d’art.

 

e-taqafa : Hakima, comment composez -vous votre toile ?

Hakima Ouamira : Avant de commencer un tableau, je choisis un thème puis j’essaie d’imaginer sa composition, sa structure, les couleurs qui correspondront au thème et aussi la technique qui pourra m’aider à le représenter. Après, je prends mon temps  pour bien m’exprimer par le biais de ses différentes composantes.

 

e-taqafa : et vous Mohammed, votre démarche est différente?

Mohammed Ouammi :  je pense que deux éléments sont importants dans la composition de ma toile : ce que j’ai étudié et ce que j’ai laissé au hasard. Ma composition se fait à travers l’organisation des couleurs. Mais, la composition reste plus importante que le choix de ces couleurs.  Je mesure l’équilibre de ma toile à ma manière, l’essentiel est que je sois satisfait de la toile, peu importe son esthétique. Le public est libre par  la suite de recevoir l’œuvre, comme il le souhaite, je n’essaie pas de lui plaire ou de le manipuler.

 

e-taqafa :l’équilibre s’obtient également par la diversité des techniques?

Mohammed Ouammi : L’art est une recherche et non un travail d’artisan. Je ne me concentre pas sur une technique précise, j’utilise le plastique, le bois et ce, suivant une recherche. J’utilise le bois souvent car je me considère spécialiste en cette matière.

 

e-taqafa : Hakima, que signifie pour vous le thème du Mur ?

Hakima Ouamira : Pour moi, un mur peut avoir des aspects positifs et d’autres négatifs. Pour les points positifs, je dirai que le mur peut protéger. Je me réfère aux murs que nous avons à Meknès, à Essaouira, à Salé, à Rabat… qui ont été bâtis pour protéger la ville.  Pour l’aspect négatif, qui peut être psychologique, le mur peut signifier l’obstacle qui peut nous empêcher de créer, de réussir, d’obtenir nos objectifs, de s’ouvrir sur les cultures, de communiquer avec les autres. Ce mur peut nous rendre limités, bornés, enfermés sur nous-mêmes. Ce mur peut détruire notre rendement, peut nous rendre inutiles et insignifiants. Celui qui s’enferme sur lui -même ne peut pas donner. Il y a une autre représentation du mur que j’aimerais évoquer, c’est ce mur que nous devons tous bâtir entre nous et ce qui nous fait mal, ce qui nous blesse comme les mauvais souvenirs.

 

e-taqafa : et  pour vous Mohammed, le mur est lié à quelles représentations?

Mohammed Ouammi : mes nombreuses visites à ce qui reste du mur de Berlin m’ont marqué.  Les couleurs et les lignes qui l’habillent m’ont toujours impressionné notamment le jeu entre les couleurs et les zones blanches. Quand le soleil se lève sur le mur de berlin, des scènes revivent et  une langue silencieuse se crée  entre la peinture et les personnes. Les mots sont souvent incapables de traduire l’émotion ressentie.  Je me suis d’ailleurs inspiré de ces couleurs dans la conception des tableaux présentés lors de cette exposition. Des couleurs qui nous accordent la possibilité d’évoquer des idées et des sujets comme l’espoir, le désespoir, la séparation et la liberté. 

 

e-taqafa : Mohammed expose pour la deuxième fois à  l’Espace Rivages, que représente pour vous Hakima cette première exposition au Maroc?

Hakima Ouamira : Je suis très contente de participer à cette exposition dont le thème est « le Mur » organisée par la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger en partenariat avec l’Ambassade de la République d’Allemagne au Maroc. Mon message à travers cette participation est un appel à détruire tous les murs qui séparent les êtres pour s’ouvrir sur les autres cultures, sur leurs Histoires et leurs civilisations et pour communiquer sans contraintes.

 

                                                     Propos recueillis  par Fatiha Amellouk pour e-taqafa.ma