Des fondements poétiques de la chanson de Nass el Ghiwane

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De manière générale, le groupe n’a chanté que ses propres textes, exception faite de limada ya karama[19] de Ali El Kilani[20], Lemiiza[21]  de Mohammed Batma[22] et de YaJemmal[23]. Signalons toutefois que certaines chansons sont directement puisées dans le patrimoine poétique marocain sans que leurs auteurs soient cités, et soumises à une réécriture qui, à certains égards, choque les puristes. Le cas le plus patent est celui de la chanson Nehla chama (Chama l’abeille). En s’autorisant de tels arrangements, le Ghiwane modernise certes des textes vieux de plusieurs siècles, mais, qu’on le veuille ou non, autorise à ce qu’on fasse de même pour ses propres textes qu’on retrouve actuellement plaqués sur des publicités de thé ou d’opérateurs téléphoniques. Sur ce point, le Ghiwane diffère, de par son approche artistique du patrimoine poétique marocain, du groupe Jil Jilala qui, lui, s’évertue à respecter, dans ses reprises des poèmes chantés du Melhoun, les textes et leurs poètes, innovant principalement sur le plan de la répartition vocale et des arrangements rythmiques.

Venant de milieux modestes, mettant à l’honneur la chanson-dialogue, rompant avec la conception traditionnelle de la chanson arabe, originaires de régions fort différentes, puisant dans les principales expressions musicales marocaines, n’établissant enfin aucune différence entre lui et son public, le Ghiwane ne pouvait que séduire, plaire, déranger et interroger les marocains sur leur attitude face à leur patrimoine. La réussite de Nass el Ghiwane tient à la conjugaison à la fois spontanée et réfléchie de tous ces éléments.

 


[19]Dignité interrogée.
[20] Poète Libyen. Le texte a été chanté en 1988 à Tripoli.
[21]La chèvre.
[22] Frère cadet de L. Batma, fondateur du groupe ‘ddeqa et ex-membre du groupe Tagada et l’un des fondateurs du groupe Lemchaheb, décédé en 2001.
[23] Chanson attribuée, d’après un document web, à Abderrahim Batma.

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