Hindi Zahra Auteure, compositrice interprète

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« C’est la musique qui choisit le texte ».

La chanteuse franco-marocaine a fêté les 10 ans de son premier album « Handmade » au Maroc, à Rabat le 29 février au Théâtre Mohamed V. L’occasion de revenir sur une carrière aussi originale qu’impressionnante.

 

e-taqafa : Handmade a 10 ans déjà. Pourquoi les fêter au Maroc ?

Hindi Zahra : On me l’a proposé et une amie a insisté en disant que je ne fêtais jamais rien, que je ne fêtais pas mes succès, je ne fête jamais mes anniversaires. Et ce fut comme un signe pour moi, c’était important d’avoir cette date au Maroc, à cette période là, comme une boucle qui a été bouclée. C’est le moment parfait, le théâtre est parfait pour cela. J’ai dit oui…

 

e-taqafa : Comment est né Handmade et comment a- t -il été pensé ?

Hindi Zahra : « Handmade » est né longtemps avant son enregistrement, c'est-à-dire que j’ai commencé d’abord à chanter les chansons dans les bars, dans les festivals, peut être quatre ans avant. Je ne me suis pas dit que j’allais enregistrer et ensuite tourner. J’ai d’abord fait les chansons, je les ai jouées sur scène et après j’ai commencé à les enregistrer. Pour moi ce qui était important, c’était d’avoir la validation du public, de voir si les chansons plaisaient vraiment avant de faire un disque. Ensuite je n’avais pas vraiment une idée précise, ce qui était précis c’étaient les chansons. Tant que je n’avais pas de chansons, je n’avais pas d’album. Et les jouer sur scène c’est aussi une façon de filtrer, de choisir celles qui allaient être dans l’album.

 

e-taqafa : Est-ce que c’est un album fait maison ?

Hindi Zahra : Oui. Il a été fait maison. En 2009, j’ai voulu installer un studio à la maison, un home studio pour prendre le temps avec mes chansons, enregistré en prenant tout le temps. J’avais pris du temps à les créer, à les faire, à les exercer sur scène. Je voulais prendre tout le temps pour les enregistrer, un vrai temps. Je les ai donc faites à la maison. Après bien sûr le mix et le reste s’est fait en studio.

 

e-taqafa : Ecrire et chanter en différentes langues, est ce le même processus de création ?

Hindi Zahra :je ne choisis pas, je laisse toujours l’instinct. Je dois effectivement écrire une chanson, la structurer, etc mais je dois laisser l’espace à la créativité du moment, à l’instinct, à ce qui me guide. J’ai une forme, elle est toujours souple pour laisser la place aux hasards, aux coïncidences, à des nouvelles idées. Après, filtrer les meilleures idées à la chanson. Cela donne aussi l’histoire à la chanson, elle se fait progressivement. Je ne suis pas quelqu’un qui travaille intensément sur quelque chose et ensuite qui le finit. Je travaille sur plusieurs chansons en même temps comme ça elles ont chacune un temps d’évolution.

 

e-taqafa : Y a-t-il une langue qui s’impose plus ?

Hindi Zahra : L’anglais est beaucoup plus facile parce qu’il y a un détachement par rapport à cette langue. Ce n’est pas ma langue maternelle donc je peux y projeter beaucoup de choses. Alors que le berbère c’est beaucoup plus personnel, quand je chante en amazigh, il y a quelque chose de l’ordre de la famille, de beaucoup plus intime. Et aussi avec darija. En français, c’est une écriture, je suis plus concentrée sur la poésie, une écriture poétique. Il faut trouver la bonne mélodie, sinon je ne le fais pas. Je ne peux pas le faire.

 

e-taqafa : D’où vient ce métissage dans votre musique ?

Hindi Zahra : Mon nomadisme est hérité de ma famille je crois. Du côté de mon père, ils sont touaregs, il a choisi un métier où il voyageait beaucoup. Et on voyageait avec lui. C’est comme si c’était des traces qui restent dans l’ADN. Et mon père est quelqu’un qui est très relié à ses ancêtres. Inconsciemment, il nous a fait voyager, parce que c’est dans son ADN, cela fait partie de lui. Même quand je suis dans un endroit, ma tête voyage. Je suis en voyage constant et pour moi c’est très important. C’est primordial de voyager à l’intérieur de soi ou physiquement. D’aller à différents endroits. Le métissage vient de ma famille. Et puis c’est dans la tradition marocaine aussi.

 

e-taqafa : Homeland vient après 5 ans. Vous faut- il du temps entre les albums ?

Hindi Zahra :Oui ! Je dis toujours que je suis comme un chameau ! Je prends mon temps parce que je veux que ce que je crée dure longtemps. Je ne pense pas que cela s’applique à tout le monde, cela s’applique à moi. Travailler, de vraiment exercer une chanson, lui donner du temps pour la créer pour qu’elle ait un temps de vie très long. Je ne me pose pas sur les différentes modes, je m’isole de tout autre musique. Je n’écoute pas ce qui se passe à côté pour ne pas être influencée.

 

e-taqafa : Il y a la peinture et le cinéma aussi , entre les albums, la musique. Est ce important pour vous de vous exprimer autrement, via d'autres canaux que la musique ?

Hindi Zahra : Je pense que oui, c’est très important d’avoir d’autres processus de création et de pouvoir toujours activer ce mode créatif, pas dans la même discipline. Pour moi, cela me donne de l’énergie pour revenir vers la musique. Le cinéma, j’ai eu quelques petits rôles. Pour moi le cinéma, c’est visiter un autre endroit. La peinture, c’est différent. C’est plus personnel. C’est une pratique de tous les jours avec mes mains. C’est important. J’ai grandi avec des femmes qui étaient très occupées, qui étaient brodeuses, de superbes cuisinières, attirées par l’artisanat, la couture. Et cela m’a beaucoup influencée.